Les GAFAM contre l’internet - Nikos Smyrnaios

Je l’avais commencé il y a 3, 4 ans, pas si longtemps après sa sortie. En fait, je l’avais acheté à la librairie car on ne le vendait pas, et le sujet m’intéressait donc je l’ai pris pour moi. C’est sans doute pour ça que je n’étais pas une si bonne libraire : j’achetais ce qui me paraissait intéressant, mais ce n’était pas forcément l’avis de tout le monde — sauf Ludo qui me prenait toujours de super bouquins et qui se ruinait dans le rayon essai à chaque fois qu’il passait.
Puis il a traîné dans mon sac, car je lisais seulement dans les moments perdus, les transports en commun, mais je ne les prenais plus tellement, alors il a fini par traîner sur ma pile de livre à lire, puis de plus en plus bas.
Et là, il y a quelques mois, je l’ai repris. Le marque-page était encore au milieu, et je déteste ne pas finir quelque chose. Même si ça n’a plus de sens, même si c’est trop tard.
Mais là, ce n’était pas trop tard, c’était juste parfait. J’ai relu le début rapidement, puis jusqu’à la fin, et j’ai trouvé ce livre passionnant, une révélation.
Certes, on sent qu’il n’est plus tout jeune. Paru en 2017, écrit en 2016, le livre s’appuie donc sur de sétudes et données datant de 2014 voire 2012.
Presque 10 ans et un covid, une éternité pour le numérique. À l’époque, il n’y avait pas encore l’essort de Netflix, de zoom et des visioconférences, et je ne parle même pas de l’IA qui pourrait révolutionner notre rapport au savoir - ou pas.
Un peu vieilli donc, mais essentiel.

Temps de lecture estimé : 4 mn

Ce livre de Nikos Smyrnaios se découpe en cinq chapitres, eux-mêmes divisés en trois ou quatre parties. Au début nous avons une histoire de l’internet, en commençant par le réseau ARPA. Un commencement entre recherche et armée, soupoudré de pensées libertaires, d’utopies d’égalité et de connaissance grâce à ce nouveau système de communication.

Mais la marchandisation arrive à prendre le dessus sur la contre-culture. La puissance publique laisse la place aux logiques financières. Nous sommes dans les années 90, en pleine mondialisation, et le backbone d’internet, sa colonne vertébrale, les tuyaux qui font passer l’information, passent à une gestion privée, comme beaucoup de secteurs aux États-Unis qui sont alors privatisés et dérégulés.

La troisième partie se concentre sur l’oligopole de l’internet. Par son essence même, le numérique étant duplicable et copiable sans porter préjudice, l’internet ne pouvait que basculer sur une logique centralisée et favorable à ceux qui avaient les moyens les plus importants, la technique la plus maîtrisée. Sous-traitance, baisse des coûts de transaction : internet porte en son sein ce qui fait sa perte. Comme le disait Bernard Stiegler, c’est un pharmakon : il porte à la fois le poison et le remède.

La quatrième partie déroule les stratégies d’infomédiation, c’est à dire les connexions entre les internautes et les informations, et entre les internautes elleux-même : concentrations verticale et horizontale, tout était là pour que ça se passe mal.

La cinquième et dernière partie parle de la publicité, car que serait internet aujourd’hui sans publicité ? C’est le modèle économique de tous les Gafam, alors comment cela pourrait-il bien se passer ? Outrance dans la consommation, maîtrise de l’information : sans régulation, nous ne pouvons espérer grand chose d’internet. Cette partie fait une étape sur les luttes anti-pub, ce qui fait un rappel assez salutaire. Quand avons-nous baissé les bras face à l’agression publicitaire qui nous pousse à consommer toujours plus, qui contrôle nos comportements et véhicule des idées au mieux conformistes, au pire réactionnaires ?

La conclusion est tout de même positive, avec les possibilités qu’offrent l’internet, le mouvement des logiciels libres, les organisations collectives.

Cela donne envie de lire ce qu’il publie aujourd’hui. Cela tombe bien, il écrit un article dans une revue sortie il y a quelques jours, Nectart, intitulé "De Jeff Bezos à Elon Musk L’idéologie cynique de la Silicon Valley" : cela donne envie !

Comme souvent dans les essais, le chapitrage donne déjà une bonne idée du contenu :

  • Les origines de la marchandisation de l’internet
    • l’héritage d’ARPA
    • Société de l’information et économie postindustrielle
    • Dérégulaton des télécoms et tournant libéral
    • De la contre-culture à la marchandisation de la cyberculture
  • Privatisation de l’internet et concentration oligopolistique
    • les autoraoutes de l’information qui mènent à la privatisation de l’internet
    • la rencontre de la culture startup et du caapital-risque
    • l’« éxubérance irrationnelle » de la nouvelle économie et de la convergence
    • Les conditions d’émergence de l’oligopole de l’internet
    • les effets de l’internet sur l’économie de l’information
    • financiarisation et dérégulatoin au profit de l’oligopole
    • des sociétés et des stratégies mondialisées
    • l’exploitation du travail pilier de la rentabilité de l’oligopole
  • Les stratégies d’intégration et d’infomédiation de l’oligopole
    • l’infomédiation, une fonction centrale de l’internet
    • la concentration verticale de l’oligopole
    • la concentration horizontale de l’oligopole
  • La domination publicitaire de l’internet
    • la critique de la publicité
    • la publicité sur internet
    • la collecte et l’exploitation des données en ligne
    • résistances et (non) régulations de la publicité en ligne

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.