De la démocratie en pandémie - Barbara Stiegler

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J’ai finis la lecture du Tract Gallimard de Barbara Stiegler "De la démocratie en pandémie". Bien que le texte soit court, et seulement à 3,90€, je vous propose ici un résumé car ce texte est vraiment génial !

Temps de lecture estimé : 5 mn

texte issu d’un fil twitter

D’abord Barbara Stiegler est la fille de Bernard Stiegler. Alors oui, on ne se définit pas par rapport à ses parents, et les qualités du père ne s’héritent pas forcément, mais j’ai quand même eu un a priori positif... et je n’ai pas été déçue !

Elle fait un parallèle entre la gestion de la pandémie (ou plutôt syndémie, comme elle le dit dans l’intro) et le livre de Marc Bloch « LÉtrange défaite », sur la défaite de la France en 40. Cela parle d’aveuglement, et de refus de voir la réalité

Et elle parle plutôt de syndémie plutôt que de pandémie : « Une maladie causée par les inégalités sociales et par la crise écologique ». Par ex, les co-morbidités sont surtout subies par les personnes les plus pauvres, qui doivent vivre près des périph ou du fait de l’alimentation.

Mais aussi sur les inégalités sociales qui ont été exacerbées : les personnes qui pouvaient télé-travailler, celles qui pouvaient aller dans leurs maisons de campagne, ...

Par contre, on vit bien « en Pandémie », « où la démocratie est elle-même [..] devenue un objet discutable. »

On a ensuite un super passage sur le vocabulaire employé, puis comment le concept même de démocratie est mis en cause. Oui, ça fout les boules. Perso, j’étais complètement passée à côté de ça ! Peut-être parce que j’étais en train de vouloir rester en boule sous ma couette ?

J’ai quand même l’impression que je n’étais pas la seule en mode stress/déprime. Ce qui explique quand même la grande « patience » des Françaises face à l’interdiction de manifester puisque nous sommes en état d’urgence... Sauf si c’est autorisé par l’État !

Mais on ne va pas se laisser faire ! On a passé le choc de la première année de Covid, et ça dure... Le monde d’après, il nous attend toujours, et ce n’est pas en ligotant la démocratie qu’il ira mieux !

1er confinement, de mars à mai 2020. Personnellement, j’étais à fond dans la campagne municipale, et j’avoue, j’ai soupiré de soulagement quand l’élection a été maintenue... Pour être sous le choc d’un confinement soudain, ne permettant même pas le 2d tour.

Rappelons-nous : on sortait de grandes manifs et de mouvements sociaux inédits : les gilets jaunes, les manifs du monde la santé, auparavant les retraites... Les écolos disait bien que ce monde-là courrait à sa perte !

Et plutôt que d’agir avec la population, de nous parler comme à des adultes responsables, Macron agit comme si les Françaises étaient des gamins indociles et stupides... « Le contrat tacite des Lumières, fondé sur une rationalité partagée, se trouvait dorénavant rompu »

Et en plus, tout devient de notre faute ! Il est formidable. Quand je pense qu’il y a encore des gens pour dire qu’il n’y a plus ni droite ni gauche... En tout cas, il y a bien des façons différentes de considérer les gens !

Stiegler enchaîne sur un récap du néolibéralisme et de leur vision des êtres humains, de la volonté de fabrication du consentement, et de l’« économie comportementale » qui vise les comportements individuels (les nudges, vous connaissez ?), plutôt que de questionner le système...

D’ailleurs, Macron réunit ses propres conseillers (experts en nudge et consulting) en écartant les dispositifs nationaux existants : Plan Pandémie, Santé Publique France, Haut Conseil de la Santé Publique, etc.). Faudrait pas des avis différents de sa vision du monde...

Et puis finalement, on se rend compte que les règles essentielles (car nous sommes en guerre) ne sont pas les mêmes pour tout le monde... Quand on passe à la télé, on peut traverser Paris et enlever le masque par exemple

Puis à l’hôpital, on se rend compte que finalement, la gestion managériale n’est pas si bonne que ça... Ce qui n’empêche pas Macron de continuer à démanteler l’hôpital public. Des conseillers ont quand même suggéré de le vendre à des start-up, cie d’assurance et groupes pharma !

« La même entreprise de destruction se déploya dans le monde de l’éducation »... Ah, la continuité pédagogique... « ce fut l’occasion de dégâts parfois irréversibles, détruisant des chemins fragiles de vie qui ne tenaient qu’à un fil »

Le rêve de certains : de la consommation de cours à distance, sans lien, sans prof, sans collectif... On en est au 10 mai 2020, dernier jour du premier confinement, et beaucoup rêvent que cette période va changer notre vision du monde.

« Les librairies furent prises d’assaut, les festivals affichèrent complet. Mais le président de la République décidé tout seul, le 13 avril, de fermer les universités jusqu’à la fin de l’été. » Mais pourquoi ?

Et avec le souffle de liberté qui arrive, le spectre de la maladie plane sur nos têtes. Protéger, oui, mais étions-nous sur le même plan d’égalité ? Entre les régions, les personnes à risque ?

Il aurait fallu que les scientifiques et universitaires puissent échanger sur tout cela, faire des colloques, des séminaires... Et pas que virtuels, car cela ne favorise pas le travail collectif.

Puis arriva la « distanciation sociale »... Terme horrible. Distanciation sanitaire, ok, mais sociale ? Le passage ici résume toute ma vie militante de ces derniers mois... (sans compter les injustices telles que l’ouverture du Puy du fou...)

Et alors que les soignantes sont quasi les seules à manifester avec autorisation, Macron répond par une médaille pour les « héros ». Habile (non) façon d’éviter le conflit social. Bah oui, en guerre, on récompense ainsi les militaires, non ?

Le Ségur de la santé proposé « consista pour l’essentiel en une immense vague de mots »

Et nous arrivons à la troisième et dernière partie du texte : la période du reconfinement, du 1er septembre au 28 novembre. « Le chantage à la plage étant clos, la rentrée allait être dominée par la menace permanente du reconfinement ». Quelle douce période....

Un petit focus sur les universités ? Fermées depuis le 13 avril, elles ne rouvrent pas. Mais les classes prépas, elles, restent ouvertes. Ben oui, faudrait pas pénaliser nos futures élites...

Tant de choses étaient pourtant possibles ! Plutôt que de faire, ben... rien du tout

Et puis pour bien montrer sa vision de la recherche et du monde académique, arrive la « Loi de programmation de la recherche » (LPR). On avait déjà commencé à voir ça à la fac quand j’y étais vers 2005, mais là c’est pire.

Et voilà qu’arrive le couvre-feu, la stigmatisation de la jeunesse. Les « déprogrammations », même pour les patients atteints de maladie grave, entraînent leurs lots d’angoisse et de sentiment de faute. Puis la loi « Sécurité globale ».

Le texte se finit sur l’espoir, avec les marches pour la liberté de novembre, le réveil des partis politiques, les citoyennes qui s’interrogent. On a l’impression qu’on sort d’un livre de SF, sauf que c’est la réalité, et que c’est à nous de la construire !