Le génie lesbien - Alice Coffin
Le génie lesbien a fait le buzz quand il est sorti. Nous sommes en octobre 2020, les féministes sont de plus en plus visibles depuis quelques années, avec des sorties médiatiques comme le mouvement #MeToo dans tous les secteurs, mais aussi l’affirmation de l’écoféminisme, de l’afroféminisme, de l’intersectionnalité, les droits pour les personnes LGBT qui sont de plus en plus revendiqués comme avec le mariage pour tous et la PMA. Et ce renouveau du féminisme amène le retour de bâton qui va avec, le « backlash » : attaque sur le wokisme, la cancel culture, et tous les dangers qu’apportent les revendications féministes envers la société.
Dans ce contexte sort le livre d’Alice Coffin, avec le buzz savamment entretenu par les médias de droite voire d’extrême-droite, majoritaires aujourd’hui en France. Le livre serait anti-homme, prône la haine des hommes, l’ultra-violence…
C’est donc avec un grand plaisir que je me suis plongée dans sa lecture.
Alice Coffin parle d’elle pour ouvrir le livre, une histoire qui s’inscrit dans l’histoire de la visibilité lesbienne. Quand, enfant, on manque de représentation publique de ce qu’on est, quel espace existe pour s’affirmer ?
Je mesure le chemin qui a été parcouru entre ma propre enfance et aujourd’hui. Bien plus de personnalités LGBT s’affirment dans l’espace public, mais toujours pas tellement de lesbiennes.
Le mot lui-même est peu utilisé dans la presse, comme tabou. N’étant pas concernée, j’avoue à ma grande honte ne pas l’avoir remarqué, d’autant qu’avec mes fréquentations féministes, on utilise le mot lesbienne sans problème.
Alice Coffin est journaliste média, c’est à dire qu’elle analyse le travail des journalistes, comment les événements sont traités. Une discipline peu courante en France, mais bien plus aux États-Unis.
La France est arque-boutée sur l’idée que les journalistes sont neutres et doivent être neutres. Une idéologie aussi présente chez certaines en histoire, par exemple. Sauf qu’on s’en rend compte : la neutralité est souvent (tout le temps ?) celle de l’homme blanc, plutôt catholique, bourgeois, et pas trop jeune.
Et c’est ce biais journalistique qui a invisibilisé les lesbiennes, y compris lors de débats qui les concernent en premier lieu comme la PMA ! Sous réserve de non neutralité, les journalistes lesbiennes ne pouvaient pas traiter les sujets liés au mariage pour tous. Mais c’est pourtant avec leur point de vue de concernées, leurs réseaux, qu’il serait possible de faire un bon article d’analyse journalistique !
Cette soi-disant neutralité est en fait une invisibilisation constante. Les articles sur des personnalités publiques font savamment l’impasse sur l’orientation sexuelle, sous-entendant donc qu’elles sont hétérosexuelles. Alors même que cette orientation est parfois su par toutes et tous ! On en arrive à des situations assez ubuesques où le compagnon ou la compagne est qualifié de « bonne amie », des contorsions stylistiques pour ne pas dire que la personne est gay ou lesbienne.
Il faut dire que les coming out ne sont pas si courants, en tout cas en France. Alice Coffin a ainsi initié les « out d’or » pour valoriser les personnalités qui franchissent le pas, et les remerciant ainsi de tout ce que cela apporte à la communauté LGBT.
Parmi les autres engagements d’Alice Coffin, il y a également la Barbe, dont elle est l’une des initiatrices. Les actions qu’elles sont est un révélateur assez incroyable de la violence envers les activistes féministes et encore plus pour les lesbiennes.
Le génie lesbien est également l’occasion de rendre hommage aux lesbiennes qui ont tant œuvré dans les luttes militantes : chez les féministes, les marxistes, les syndicalistes, les suffragistes. Et si leur apport a été incroyable, et que les lesbiennes sont des militantes formidables, ce n’est malheureusement pas assez su !
Le livre se termine sur les actualités féministes : les violences faites aux femmes, les agresseurs, les polémiques ridicules (les hommes / #NotAllMen : la généralisation est largement acceptée quand on parle des femmes, mais les hommes, il ne faut pas y toucher !), la difficulté de reconaître l’existence de la culture du viol en France, et la protection dont bénéficient encore les agresseurs quand ils sont connus.
Voici donc un ouvrage qui donne la pêche, nous fait découvrir des personnes géniales, nous ouvre les yeux sur la réalité de la lesbophobie, mais également la culture lesbienne. On se sent mieux après l’avoir lu.
Messages
7 février 2022, 14:51, par hermel
je partage les mots de Sarah étant moi même lesbienne de la génération d’Alice Coffin je peux vraiment dire à quel point ce livre est une pépite tant par ce que l’autrice dénonce que par la réalité violente pour nous les lesbiennes ! Nous avons manquées cruellement de modèles de lesbiennes on nous a tellement caricaturées et marginalisées et on a encore tellement peu de lieu safe pour nous retrouver sans être méprisées ou moquées ou violentées que parfois il arrive aussi que dans certains lieux nous soyons obligées de cacher notre orientation ! être lesbienne et assumer c’est aussi encore un acte politique très peu soutenu il suffit de voir les hordes d’attaques sur les réseaux sociaux ou encore le nombre de mecs qui viennent chercher à nous draguer alors que pourtant nous mettons que nous sommes lesbiennes mais pour ces messieurs cela veut encore parfois dire « cette nana n’a pas trouvé le bon mec » alors qu’en vrai si on se dit lesbienne c’est que les hommes ne nous attire pas sur l’intime donc messieurs quand vous voyez lesbienne laissez tomber car à part de l’amitié vous ne pourrez pas draguer une lesbienne je remercie Alice Coffin pour ce #genielesbien qui moi m’a fais du bien et hâte de lire le prochain :) et merci Sarah pour ton bel article qui prouve que la sororité existe et que une femme hétéro peut tout à fait comprendre ce que vivent les lesbiennes :)
7 février 2022, 16:34, par Sarah Trichet-Allaire
Ta dernière phrase est le meilleur compliment qu’on puisse me faire, merci !