Saint-Nazaire, ville ouvrière ou balnéaire ?

Depuis quelques temps, j’entends de plus en plus une petite musique qui dit que, quand même, Saint-Nazaire a changé, maintenant c’est bien.

C’est un discours qui vient des habitants et des habitantes, nouvelles ou anciennes, de nantaises, parfois de personnes qui viennent de Pornichet ou La Baule, plus rarement, et surtout du maire de Saint-Nazaire.

M. Samzun n’a pas caché son ambition de faire de Saint-Nazaire une ville balnéaire, une ville touristique, de changer l’image de la ville.

Mais qu’avait-elle de mal, cette image ? Trop ouvrière ?

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Oui, Saint-Nazaire est une ville ouvrière. Pour beaucoup c’est une fierté. C’en est une, quand les paquebots décollent de la ville, là nos édiles peuvent briller, montrer les savoirs-faire nazairiens. Mais il faudrait pouvoir fabriquer des paquebots géants, des éoliennes offshores, des avions, sans être une ville ouvrière.

Devenons une ville de col blanc.

Saint-Nazaire, ville ouvrière, c’est un imaginaire de luttes sociales, ce sont les chantiers qui débrayent en 67 et voient des milliers d’ouvriers marcher vers le centre-ville. C’est René Vautier qui filme la lutte des ouvriers de la Semm à Trignac, ce sont les forges de Trignac. Ce sont les ouvriers aux mains sales, aux mains d’or. Ceux qui sont loin de la start up nation, et de la consommation cool, ceux qui travaillent et savent ce qu’ils produisent - parfois ad nauseum.

Pour moi qui ait grandi dans cette ville, cet imaginaire est porteur de fierté. Alors oui, c’est facile pour moi qui n’ait pas vécu cette réalité, qui la fantasme peut-être un peu. Mon parents sont typiques de la classe moyenne qui a émergée grâce à l’école de la République dont parle François Bégaudeau. Mon père, seul bachelier dans sa fratrie, a été ouvrier (contrôleur qualité) avant de se faire virer suite à des mouvements de grève où il était engagé syndicalement. Ma mère, fille de prof, est devenue prof dans la lignée de cette histoire transmise à travers les femmes : mon arrière-grand-mère était trompée par son mari et aurait bien voulu le quitter, mais en dépendait financièrement. Elle a toujours dit à sa fille : tu dois travailler pour être indépendante. Et voilà comment on fait des féministes.

Une ville ouvrière, c’est une belle histoire, surtout quand les usines fonctionnent toujours. Je ne suis pas sur une nostalgie du passé, mais sur l’invention d’un avenir. Pouvons-nous faire des usines qui ne broient pas les gens ? Qui n’abîment pas l’environnement ? Comment mettre en place un rapport de force sur ces conditions ?

Voilà ce qu’est une ville ouvrière, alors pourquoi vouloir changer l’image de la ville ? Pourquoi ne pas combattre plutôt cette idée qu’une ville ouvrière serait forcément une ville triste, comme cela transparaît dans l’épisode « Nouveaux souffles à Saint-Nazaire » ?

Pour devenir une ville balnéaire ? Une ville touristique qui ne vit que pour soigner ces habitantes temporaires, tout en cachant une réalité moins glamour ?

Pour copier une histoire qui n’est pas la sienne ? Certes, il y a eu les départs des paquebots transatlantiques, entraînant son flot de voyageurs et voyageuses. Mais justement, ils et elles passaient et ne s’arrêtaient pas. Ce n’est en tout cas pas ce qui a marqué les esprits nazairiens, même si cela a pu être une réalité.

C’est cette image que la municipalité veut donner, une image qui n’est pas la représentation que se font de leur villes les nazairiennes, mais que le maire veut insuffler de toute force.

Pourtant, valoriser le front de mer, développer les activités pour les habitantes, ce sont des choses faisables aussi pour les ouvriers et ouvrières de la ville. Qu’attendons-nous pour développer des activités de loisirs et de plaisir en les pensant pour toutes et tous, et non seulement pour les catégories de population les plus aisées ?