Réponse à Lucas Peltier-Séné

Lucas Peltier-Séné est un militant écologiste que j’ai découvert pendant la primaire de l’écologie, au sein de l’équipe de Sandrine Rousseau. Ce texte est une réponse à son billet de blog « Écologie cosmétique : comment dépolitiser une pensée radicale (qui devient motrice) » avec lequel je n’étais pas entièrement d’accord.

Temps de lecture estimé : 7 mn

L’article commence en parlant d’écologie politique dépolitisée : un terme qui heurte bien sûr. Puisque l’écologie est politique, elle ne peut être dépolitisée. C’est pour la différencier de l’environnementalisme qu’on utilise l’expression écologie politique. Donc qu’est-ce que l’écologie politique dépolitisée ? On comprend ensuite qu’il s’agit d’une écologie qui ne prend pas en compte la lutte anti-capitalisme. Pourtant, dans la première partie, il est bien fait mention des différentes tendances de l’écologie. N’y aurait-il donc pas de politisation possible sans anti-capitalisme ? Ou est-ce juste une manière de défendre son point de vue en refusant la politisation des autres ?

Un mot sur la révolution : Lucas Peltier-Séné évoque l’aura révolutionnaire de l’écologie. En physique, la révolution est un tour qui finit là où il a commencé. La révolution fait rarement rêver chez les écologistes. Elle a souvent amené des dictateurs au pouvoir. La radicalité des idées écologistes, oui, mais une révolution ? Nous avons toujours préféré les petits matins au grand soir.

Capitalisme et productivisme

L’auteur fait beaucoup le lien entre capitalisme et productivisme, jusqu’à en faire des synonymes. Certes, le capitalisme d’aujourd’hui entraîne un productivisme forcené et un écrasement des êtres humains. Mais ce n’est pas le seul... Le communisme est également fondé sur le productivisme, tout comme le socialisme. Pour ces courants de pensée, il s’agit d’augmenter la production pour qu’il y en ait plus pour les classes les plus pauvres.

Jamais il n’est question de diminuer la production pour qu’elle corresponde simplement à nos besoins, ce qui est l’originalité du projet écologiste.

C’est pourquoi l’anticapitalisme ne peut résumer la pensée écologique.

L’exploitation des terres, par exemple, est reprise par tous les courants politiques, sauf l’écologie politique - au moins l’écologie politique des Verts.

De même, la relation au travail et à l’emploi est spécifique chez les écologistes - chercher du sens au travail, travailler moins travailler mieux - et ne se retrouve pas chez les autres militantes anticapitalismes.

ni droite ni gauche ?

Je suis ravie de lire dans l’article les différentes tendances de l’écologie politique. Oui, l’écofascisme est aussi, malheureusement, une orientation de l’écologie politique. Pour ne pas avoir à se positionner sur l’axe droite gauche, certains membres d’EELV dont Yannick Jadot se qualifient d’« écologiste ». Mais il y a une écologie de droite, et une écologie de gauche.

Scoop : l’écologie d’EELV est de gauche.

Et je fais partie des personnes dans ce parti qui souhaitent qu’on utilise plus ce terme, qu’on le revendique.

Mais Lucas Peltier-Séné fait une confusion en reparlant de l’épisode « ni droite ni gauche » de l’époque Waechter. Il ne s’agissait pas à l’époque de dire que l’écologie n’était ni de droite, ni de gauche, mais qu’elle ne se trouvait ni dans le productivisme de droite, ni dans le productivisme de gauche. Et s’il y a des personnes anciennement d’EELV qui sont partis vers la droite, cela ne concerne pas l’orientation du parti politique EELV ou précédemment des Verts.

D’ailleurs, les ouvrages sur l’histoire des Verts le disent tous : l’époque « ni droite ni gauche » de Waechter s’est définitivement soldée avec Dominique Voynet et les rapprochements avec le PS.

Un mot sur Daniel Cohn-Bendit : il n’a jamais été membre des Verts français. Il a été sollicité pour les campagnes européennes, mais c’est plus de la communication politique qu’une orientation politique. Une égérie ? Pour une tendance d’Europe Écologie avant la fusion avec les Verts (pour former EELV), oui. Mais cette tendance centriste s’est également terminée avec le départ de certains cadres chez le gouvernement Valls puis LREM.

Une autre erreur : la campagne d’Eva Joly aurait été mise à mal par Yannick Jadot. Mais celui-ci était son porte-parole ! S’il est parti, ce n’est pas tant sur le programme de rupture que proposait Eva Joly (qui est juste le programme d’EELV, soit dit en passant), que la critique qu’elle faisait de l’accord avec le PS.

EELV n’a jamais vraiment été proche du Front de gauche, très marqué par le parti communiste avec qui des divergences fortes existent. C’est très net aujourd’hui avec la campagne de Fabien Roussel pro-viande et anti-écolo, mais ça l’était déjà à l’époque avec l’aéroport de Notre Dame des Landes.

Quant à dire que le PS est un parti libéral assumé, c’est aussi très exagéré ! Le courant libéral est celui de Valls, mais n’est pas tout le parti, et c’est justement quand Valls est devenu premier ministre que nous sommes partis du gouvernement. La limite était franchie. Pour le reste, l’accord avait été globalement respecté, autant qu’Hollande a respecté son propre parti politique et celles et ceux qui ont cru au discours du Bourget « mon ennemi c’est la finance »...

Yannick Jadot, tête de liste EE-LV clame son autonomie face à la gauche et souhaite faire de l’écologie une force indépendante.

Ce courant d’autonomie face au PS et au PG a surtout été porté par David Cormand, plus que par Yannick Jadot. Certes, les résultats électoraux nous amène à nous détacher définitivement du PS, mais ce n’est pas valable partout, et dans de nombreuses villes les liens Verts/PS sont encore là.

Le parti et la campagne

Surtout, les discours émis par les acteurices de premier plan du parti écologiste donnent une image simpliste sinon faussée de l’écologie. [...] On noie l’essence de l’écologie politique [...] avec des formules indéfinies telle que « justice sociale » (laquelle ?) ou « sauvons le climat »

Nous sommes en pleine campagne présidentielle, mais il ne faut pas confondre des slogans et un positionnement politique.

Il est vrai que la lutte contre le changement climatique ne dit pas comment nous allons prendre des mesures, et occulte la dimension politique et radicale des propositions écologistes.

C’est un choix de communication qui peut être critiqué, mais il permet de mobiliser autour de cet enjeu et d’amener le débat publique sur nos thèmes de prédilection.

Je trouve au contraire essentiel de parler du changement climatique, car oui tout le monde souhaite préserver notre planète. Et les propositions écologistes sont les plus cohérentes et les plus abouties pour faire face à cet enjeu majeur pour les années à venir.

Mais je ne comprends pas trop la critique du terme « justice sociale ». La justice, ce n’est pas la méritocratie, justement ! C’est rétablir un équilibre. Et cet équilibre doit tout autant être cherché en corrigeant les effets qu’en établissant des bases saines. Corriger les effets, établir un système juste : les propositions écologistes s’attaquent à ces deux côtés pareillement.

S’attaquer au capitalisme ou l’accompagner

Sur les salaires, le programme du pôle écologiste repris par Yannick Jadot demande une revalorisation du SMIC, mais également un revenu universel d’existence. C’est améliorer tout de suite les revenus, mais c’est aussi donner un outil puissant de lutte anti-capitaliste : en permettant à chacune d’avoir un minimum pour vivre, on peut alors refuser le travail avilissant proposé par un système qui maintient les gens dans la pauvreté.

De même, quand Jadot souhaite interdire l’agriculture industriel, avec un accompagnement des agriculteurtrices, quitte à racheter leurs dettes, on se place clairement hors du champ capitaliste !

Un keynésianisme soft, fondé sur la croissance et la surproduction

Là c’est carrément de la mauvaise foi que de dire que le programme de Yannick Jadot serait basé sur la surproduction : je ne vois même pas sur quoi on peut s’appuyer pour dire cela.

Ensuite, l’auteur souhaite un secteur étatisé démocratique. Mais c’est justement ce dont se méfient les écologistes : un secteur verrouillé par le haut, où les citoyennes n’ont que peu de pouvoirs d’agir. C’est pourquoi les écologistes sont pour une décentralisation forte. En étant au plus près des habitantes, on renforce la démocratie et les contre-pouvoirs possibles.

Que l’État soit là pour réguler ce que font les entreprises, comme en fléchant les subventions, c’est un outil formidable. Réguler ce qui existe, c’est aussi donner des lois pour empêcher la pollution industrielle par exemple. Si c’est là de l’accompagnement du système capitaliste, alors oui, il faut le faire. Car comment faire sinon ?

Parler de « lutte contre le capitalisme » est facile, mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?


Malgré les désaccords, j’ai bien apprécié le texte de Lucas Peltier-Séné qui permet de lancer le débat. Est-ce que la lutte contre le capitalisme est une lutte écologiste ?

De plus, outre la crise climatique que nous vivons, existe en parallèle et simultanément une crise écologique : le réseau des vivantes s’affaiblit et est érodé par le système de surproduction capitaliste.

Nous sommes certes dans un système de surproduction capitaliste, mais la seule lutte contre le capitalisme ne fait pas une politique écologiste. Elle ne contient pas en elle-même une projet de société englobant tout le vivant, évitant cette érosion du vivant dont l’auteur parle.

Sur la démarche personnelle de Lucas Peltier-Séné, je regrette qu’il ne soit pas resté chez EELV. Oui, il y a des personnes dont nous pouvons être déçu, mais comme il le dit, ce sont des agissements individuels comme dans chaque organisation. Or, être dans un parti politique, c’est être avec les autres sur la base des idées.

« L’important, c’est le fond » est ma ligne directrice au sein des Verts, et pour cela mon parti ne m’a jamais déçu.

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